Pierrick Pédron. « Le jazz, c'est la liberté »

Saxophoniste sans frontières, l'Yffiniacais Pierrick Pédron, qui sera sur la scène du Carré Magique jeudi, n'a pas de plan de carrière, juste un désir de renouvellement perpétuel. Son prochain album, dont il a écrit la trame au Val-André, en sera une nouvelle illustration.

Pierrick Pédron sera sur la scène du Carré Magique, jeudi. Photo Laurent Rivier
Pierrick Pédron sera sur la scène du Carré Magique, jeudi. Photo Laurent Rivier


Vous prenez un malin plaisir à brouiller les pistes, à frotter votre musique à d'autres univers comme le rock ou la pop. Bouger les lignes, c'est votre leitmotiv ?
Ce n'est pas voulu, en fait. Effectivement, il y a cette réputation qui pointe petit à petit - et ce n'est pas encore fini, je peux vous le dire ! - mais ce n'est pas histoire de brouiller les pistes, c'est surtout pour ne pas perdre de temps, et faire ce que j'ai envie de faire, au moment où j'ai envie de le faire. J'ai la chance d'aimer plein de styles de musique différents et de m'en inspirer. Même si j'ai la réputation d'un saxophoniste de jazz. Et je l'assume à 300 %, j'adore cette musique-là. Quand on est saxophoniste, c'est un moyen d'expression extraordinaire... Mais je n'ai pas de plan de carrière. C'est tellement difficile de faire des disques, et d'en vendre, surtout, que l'idée de faire deux albums qui sont pareils, pour moi, ça ne sert pas à grand-chose. Faire un album jazz et juste après un truc avec une connotation différente, ça me paraît complètement naturel. Le jazz, c'est la liberté et je veux avoir accès à ça tout le temps.

« Cheerleaders », album hors normes, hors cadres, est-il une forme d'hommage aux bals pop' de votre jeunesse ?
Ce n'est pas un hommage aux bals pop'. L'idée, avec mon pote breton, Ludovic Bource (*), c'était de faire un truc conceptuel autour d'une fanfare. Ce n'était pas forcément une madeleine de Proust mais je me souviens qu'ici, quand j'étais môme, il y avait une fanfare qu'on entendait répéter toutes les semaines. C'est lié à des souvenirs d'enfance aussi. Et dans les compositions de la fanfare, il y a un côté très populaire.

Ce principe de concept album, c'est assez rock...
Oui, carrément. Je me suis inspiré d'un album des Floyd, qui s'appelle « Atom heart mother », où il y a cette grande fanfare, cette grande harmonie au début de l'album. C'est une grande influence.

Plus jazz, « Kubic's Monk », votre dernier album, est un peu un heureux accident...
Exactement, parce qu'il n'était pas du tout prévu. Surtout un an après « Cheerleaders ». Généralement, les maisons de disques préfèrent attendre un petit peu avant de ressortir un album. Sauf que là, il est tellement différent de « Cheerleaders »... Et puis, il y a quelque chose qu'il ne faut pas oublier, pour les agents, c'est vachement plus intéressant. « Cheerleaders », on est nombreux sur scène. Avec le « Kubic's Monk », on est trois, c'est facile de trouver du boulot. En plus, on a eu pas mal de presse. Donc, les festivals nous appellent et on fait des super trucs. On fait Vienne, Marciac, des grosses scènes...

Parce qu'un musicien aussi reconnu que vous a des difficultés à tourner aujourd'hui ?
Oui, c'est une période difficile pour tout le monde. J'ai des copains qui jettent l'éponge, carrément, car ils n'y arrivent pas, ou qui donnent des cours, font des trucs différents. Ce n'est jamais gagné. Pour personne. Vraiment. Même si je fais toujours en sorte d'avoir du boulot. Avec mon agent, on voit à long terme. Là, j'ai composé de la musique pour un prochain disque.

Où vous amènera, cette fois, votre recherche de nouveaux horizons ?
Je voudrais bien vous répondre... J'ai une idée de ce que sont mes compositions mais je ne sais pas du tout dans quel style. Ça va être quelque chose de complètement différent. On va enregistrer à Abbey Road, à Londres ; ça, c'est la grande classe ! Ce sera avec des musiciens anglais, allemands, américains avec qui je répète pour la première fois en mai prochain. Et il y aura sûrement, un ou deux gros guests...

Ce sera un disque d'ouverture ?
Oui. On ne sera pas dans un jazz traditionnel, ça, c'est sûr. On sera dans un truc plus dans l'esprit de « Omry » ou « Cheerleaders » mais ça n'y ressemblera pas. Les compositions se ressemblent un peu, car il y a toujours la patte du compositeur, après les arrangements seront différents.

Vous avez aussi fait des albums plus classiques, dans quelle veine vous sentez-vous le plus à l'aise ?
J'aime bien les deux écoles. J'ai l'impression que j'aurais plus de facilités dans un cursus plus traditionnel, dans un truc plus jazz, parce que le répertoire s'adapte plus facilement au sax qu'un répertoire de recherche comme celui de « Omry » ou « Cheerleaders », qui n'est pas, dans le fond, un répertoire de saxophone. La difficulté serait là, en fait : trouver le moyen de faire en sorte que le saxophone soit comme une voix, un chant. Et ça, ce n'est pas facile. On sait qu'un saxophoniste de jazz va jouer des standards, du jazz hard bop, be-bop, free-jazz ou un truc complètement barré contemporain européen... Mais dans un truc plus basé sur la tradition britannique des années 70, c'est moins évident. Je considère que c'est un vrai challenge. Je cours après ça. On verra comment ça sonne au final.

C'est l'idée d'un nouveau langage ?
Je n'ai pas cette prétention. C'est un truc de feeling, de recherche. Je ne suis pas à la recherche d'un nouveau langage mais je veux prendre des risques, ça, c'est sûr. Le mot-clé, il est là : prendre des risques. Ce n'est pas me réconforter dans un cocon. J'ai toujours besoin de cette faille en fait, j'ai toujours besoin de difficultés pour avancer. Quelque chose qui me mette au pied du mur et pas être calculateur en me disant : je vais faire ça, je vais vendre tant de disques après je vais être en playlist sur telle radio... Jamais !

* Compositeur de la musique du film « The Artist » et réalisateur de « Cheerleaders ».

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