François Urvoy, 50 ans, est goémonier depuis 1990. «J'ai touché un peu à tout, mécanicien, chauffeur... Puis, j'ai eu envie de faire un métier de la mer. En été je ramasse, ou plutôt, je ramassais des algues, et en hiver, c'est la coquille Saint-Jacques.» Depuis quelques mois, l'Awena, le goémonier de François, est amarré à Paimpol. Cet armateur, originaire de Plougrescant, ne repartira plus au large récolter le laminaire, ces grandes algues plates et longues. «Depuis vingt ans, je faisais mon métier et tout se passait bien. La nouvelle est tombée cet hiver, sur un simple coup de téléphone des usiniers.» En février dernier, les deux principaux usiniers du secteur, Danisco, à Landerneau (29) et Cargill, à Lannilis (29) ont décidé de ne plus acheter les algues des trois derniers goémoniers du Trégor-Paimpol. «Le métier de goémonier est fini», soupire le pêcheur, qui effectue actuellement des remplacements pour la compagnie Brittany Ferry en attendant, début octobre, l'ouverture de la saison de la coquille Saint-Jacques.
Sortir la tête haute
Entre désespoir et rage, les marins-pêcheurs réclament des indemnisations. Jan Erwan, 39ans, a travaillé pour FrançoisUrvoy avant de se mettre à son compte, il y a six ans. «L'an dernier, on a coulé deux goémoniers. Les usiniers nous ont encouragés à en racheter de nouveaux. Et cette année, ils nous ont annoncé qu'ils n'avaient plus besoin de nos services. Ils ont employé des méthodes de voyous. Ça fait mal au coeur», enrage ce père de famille. En attendant la saison des coquilles, Jan arrache des mauvaises herbes pour la commune. «J'ai eu la chance d'obtenir un plan de reconversion pour faire autre chose. Mais ça ne suffit pas. On a investi des sommes considérables dans nos bateaux. Un goémonier coûte entre 100.000et 150.000EUR», explique Jan Erwan, dépité.
La fin des goémoniers
Le comité local des pêches de Paimpol et son président, Yannick Hémeury, a pris partie en faveur de la cause des petits goémoniers dont une dizaine de marins-pêcheurs du Finistère Nord, qui se sont retrouvés dans le même cas que les trois Costarmoricains. La pêche artisanale du goémon est-elle en train de disparaître? La Bretagne compte encore une quarantaine de goémoniers. Mais, sous la pression des industriels, ils sont une quinzaine à devoir se reconvertir ou mourir. Bientôt, ces bateaux bretons qui arpentaient les fonds rocheux par tous les temps avec leur skoubidou (une grue avec un crochet) pour récolter le laminaire, hanteront les cimetières marins. Comme le Rozavel II de Jan, à Plougrescant, le Nolwen d'Henri, à Tréguier ou l'Awena de François, à Paimpol.