À Plouguerneau, Guissény, et sur la plage brestoise de Saint-Anne-du-Portzic en novembre, puis Jersey, la côte nord de la Cornouailles britannique et l'île de Texel, au large des Pays-Bas, en décembre. Et encore dans le Finistère, sur la plage de Neiz Vran, à Kerlouan, dimanche. Des plaques d'une sorte de gomme dure, mesurant environ 50cm sur 30 et gravées «Tjipetir». Le mystère s'épaissit rapidement: «Tjipetir», c'était une usine de gutta-percha, ladite gomme, située sur l'île de Java, en Indonésie... au début du XXesiècle.
À bord du Titanic
La gutta-percha avait alors de nombreuses utilisations, de l'habillement des matelots aux soins dentaires en passant par l'isolation descâbles électriques et télégraphiques. Elle fut progressivement remplacée, au cours du XXesiècle, par d'autres matériaux, essentiellement synthétiques, mais elle a eu son heure de gloire. À tel point qu'il y en avait une importante quantité, comme fret, à bord du Titanic quand il a coulé, en avril1912, au large de Terre-Neuve. De là à supposer que les fameuses plaques proviennent du mythique paquebot... L'hypothèse d'une épave qui, en se dégradant, libérerait progressivement sa cargaison est parfois évoquée. Philippe Craneguy, spécialiste des courants marins à Actimar, à Brest, tempère: certes, «on peut imaginer qu'une tempête, par exemple, ait favorisé la libération de ces plaques par une épave, et que les courants les aient ensuite transportées sur différentes plages», explique-t-il, mais il est difficile d'en être sûr. Quant à savoir où pourrait être cette épave, mystère. «Si on retient l'hypothèse que ces plaques récupérées sur des plages de la Manche, ou à proximité, sont les seules, on serait plutôt sur une source assez proche». Ce que confirme Fabrice Lecornu, de Previmer: «Globalement, les courants ont tendance à remonter la Manche. Donc, si épave il y a, elle serait plutôt à l'entrée de la Manche». Problème: le nombre de naufrages dans la zone rend difficile l'identification du navire.
Rêve d'épave
On a toutefois tenté une recherche sur le site de la Société d'archéologie maritime du Morbihan: un navire hollandais (pays propriétaire de l'usine de Tjipetir) a coulé au début du XXesiècle, à l'entrée de la Manche. Il pourrait s'agir du Moerdyk, coulé en 1904 sur sa route vers Rotterdam. Mais c'est une simple piste qu'absolument rien ne vient étayer. Sans compter, précise Philippe Craneguy, «qu'il est possible que d'autres plaques soient arrivées dans d'autres zones et qu'on n'en ait pas encore connaissance. Ce qui rend toute conclusion... impossible». La rigueur scientifique est sévère avec les rêves d'épaves et de trouvailles magnifiques. Documents et liens sur letelegramme.com