La porte restée entrouverte laisse passer un rai de lumière: le 9avril2009, vers 21h, trois jeunes brestois ont un mauvais pressentiment quand ils pénètrent dans l'appartement de leur copain, rue Armand-Rousseau. Hadi Chikhi, âgé de 33 ans, est connu dans le quartier Sanquer. Handicapé depuis l'âge de 8 ans à cause d'un accident de voiture, il ne se déplace qu'avec une canne. Sa hanche le fait souvent souffrir. La consommation de cannabis l'aide à supporter la douleur. Il en revend également, de façon assez habituelle, et se laisse parfois emporter par des accès de violence. Mais, ce soir-là, il gît sans vie dans la petite cuisine, en chien de fusil, baignant dans son sang. L'autopsie comptabilisera 25 plaies, la plupart à l'arme blanche.
«C'était Chikhi ou moi»
Comment raccrocher cette scène de crime à Roald Morvan, âgé de 23ans? Le jeune accusé, les cheveux ras, n'avait jamais eu affaire à la justice. En prison depuis juillet2009, il travaille, fait du sport - sa grande passion - et s'est converti à l'islam. «Ça m'apporte du bien-être», explique-t-il d'une voix monocorde. Sur le même ton, il décrit le premier coup, qu'il a porté à l'omoplate de la victime, et le dernier, qui lui a transpercé le cou. Cette «poussée agressive», comme la définit le psychiatre, l'a submergé après une dispute avec Hadi Chikhi. Il était venu lui acheter cinq grammes de cannabis et son hôte, qu'il connaissait depuis 2004, a apparemment été chiche sur la quantité. Le ton monte. Hadi Chikhi se saisit d'un couteau. «Quand j'ai vu le couteau, je suis sorti de mes gonds. C'était Chikhi ou moi», dit-il. Il empoigne l'arme blanche, se coupe assez profondément un doigt. Sa fureur est décuplée. Il s'acharne. «J'étais dans une sorte de "blackout"», explique-t-il. Le psychiatre avalise «un obscurcissement de sa pensée». La présidente nuance: «Si on considère pour acquis qu'il dit la vérité...».
«Il avait reprisune vie normale»
La police judiciaire remonte jusqu'à lui deux mois et demi plus tard, à la faveur, notamment, des empreintes ADN. À la barre, le commandant de police Pierre-Henri Blanc s'étonne: «Il avait repris une vie normale, ce qui est un peu particulier...». Le psychiatre objecte qu'il «semble affecté de façon sincère. Ses regrets sont authentiques». Si Roald Morvan n'a rien laissé paraître, c'est sans doute pour épargner son père, chez qui il habite depuis ses 13 ans. «Pour moi, c'est le meilleur père du monde. Il a toujours travaillé dur, s'est toujours occupé de moi. Il m'a inculqué les valeurs de respect, de ponctualité, de politesse», témoigne-t-il.
«Pas un mauvais garçon»
Ce père exemplaire se dit également «énormément» attaché à son fils. «Je pourrais souhaiter à tout le monde d'avoir un garçon comme le mien, plein de vie, toujours content, disponible, courageux...». Il est tombé des nues. Au lieu de «taper du poing sur la table», il s'est mis à écrire. «C'est une thérapie. Mon fils a ôté la vie. C'est dramatique mais je vous demanderais d'être indulgent. Ce n'est pas un mauvais garçon».