En ces années de crise du système financier international, de singulières initiatives se développent au bas de l'échelle: les monnaies locales. Appelées aussi monnaies éthiques ou complémentaires, elles font déjà des petits dans plusieurs pays et en France. C'est la ville de Toulouse qui fait actuellement office de porte-drapeau de cette monnaie parallèle qui conjugue solidarité et soutien aux initiatives et productions locales. Intérêt économique ou gadget éthique? Preuve que la formule séduit, Brest, Rennes et Nantes se sont mises récemment sur les rangs. Ici bien sûr, il n'est pas question de création de monnaie. L'État, qui bénéficie du monopole en la matière, aurait vite torpillé le système. Il s'agit d'une conversion d'euros en monnaie locale circulant dans un réseau partageant les mêmesvaleurs éthiques (*).
Un bonus de 5%
Sol comme solidarité, violette comme la fleur emblème de la ville:vous avez le nom de cette monnaie qui circule, à titre expérimental, dans trois quartiers de Toulouse. Lancée au printemps dernier, l'opération s'avère concluante puisqu'il est envisagé de l'étendre à toute l'agglomération avec le soutien de la ville, d'établissements bancaires, d'associations et de deux fondations. Elle repose sur trois éléments. D'abord, une légère incitation financière: un sol-violette vaut uneuro mais si vous versez 20EUR, on vous donne 21sols. Vous venez de gagner 5% de pouvoir d'achat. Mais pas de spéculation en vue: si vous faites l'opération en sens inverse, il vous faudra 21sols pour reprendre vos 20EUR.
Des microcréditsà des porteurs de projets
Les euros, ainsi convertis en sols, sont placés sur un compte spécial qui ne va pas dormir. Ce fonds est destiné à octroyer des microcrédits à des porteurs de projets qui n'ont pas accès aux banques ou à aider des personnes en difficulté à passer un mauvais cap, sans subir les intérêts bancaires. Quant aux prestataires chez lesquels on peut dépenser ces sols, ils doivent répondre à des critères éthiques: développement durable, alimentation respectant l'environnement (sans être forcément bio), épiceries solidaires réservées aux personnes en difficulté, productions agricoles locales, services de proximité... L'obtention du label, qui pourrait être prochainement étendu aux transports et au logement, est soumise à des critères d'économie locale et solidaire.
Les mêmes valeurs
Frédéric Bosqué, membre de l'association Sol qui est à l'origine de cette opération avec l'adjoint au maire toulousain Jean-PaulPla, tire un premier bilan positif: «Cette monnaie, bien sûr ne remplacera pas l'euro et elle ne constitue pas une monnaie du pauvre. Elle crée un lien entre personnes partageant les mêmes valeurs et voulant encourager l'économie locale. Les résultats vont au-delà de nos espérances puisque nous sommes actuellement, sur ces trois quartiers, à 700 adhérents et 75 prestataires acceptant ces sols. La ville a d'ailleurs donné un coup de pouce supplémentaire en octroyant 30 sols mensuels à 90familles bénéficiaires de minima sociaux. À ce jour, une vingtaine de villes ou départements nous ont contactés pour suivre cette expérience qui permet de faire circuler de l'argent dans des milieux souvent éloignés des circuits monétaires».
Les lur de Spézet
Brest, Rennes et Nantes pourraient donc être parmi les futurs utilisateurs d'une monnaie locale (le zef à Brest?) dont les fondements répondent bien aux valeurs de solidarité qui ont cours en Bretagne. Mais les trois villes auront tout de même été devancées par la commune de Spézet (29) qui, il y a une vingtained'années, avait relancé les lur pour certaines manifestations locales. Une monnaie qui avait cours en Bretagne jusqu'à 1534 et qui n'avait pas vocation à aller se perdre dans les nébulosités de la finance internationale.
*Cette monnaie est infalsifiable grâce à un ingénieux procédé de codage à microbulles, mis au point par une société de Montauban.