Stéphane Ruais. La main heureuse

Tout ce qui navigue, frégate ou chalutier, vieille chaloupe et voilier, finit par se retrouver sur une de ses toiles. Peintre à l'huile doué d'une grande vélocité, Stéphane Ruais joue un peu à domicile en Bretagne, et s'il pose ses pinceaux en été, c'est pour mieux s'imprégner, et enfin se confier.

En escale dans son atelier, son magasin d'approvisionnement en rêves, tout y respire la marine. Immortalisé par lui-même, dans le tableau ci-dessous, on y perçoit sa formation d'architecte. Photo T. D.
En escale dans son atelier, son magasin d'approvisionnement en rêves, tout y respire la marine. Immortalisé par lui-même, dans le tableau ci-dessous, on y perçoit sa formation d'architecte. Photo T. D.
Sa peinture parle d'elle-même, lumineuse et solaire, elle raconte les bords de mer, les plages et les ports, les lieux d'échouage et les ciels éphémères. Stéphane Ruais, lui, surveille le moment magique, lorsque la lumière semble surgir et se poser sur l'horizon ou le flanc d'un bateau. Son oeil bleu, vif, aiguisé, enregistre alors la scène, comme un capteur, avant de la fixer sur la toile, si le lieu est propice. La peinture ne serait-elle qu'une question de moment et de lieu? Peut-être, mais il faut un troisième élément, le peintre. Celui-ci est doué d'une grande vélocité. «Je suis un peintre rapide, reconnaît-il, cela ne veut pas dire à la va-vite, mais il faut se dépêcher quand la lumière est là». Ce sont des instants par définition instables, et de «stress intense», dit-il, mais cette intensité est aussi un déclencheur d'émotions.

«Je suis un peintre risque-tout»

Stéphane Ruais démarre ainsi à la couleur directement, sans dessiner, ni esquisser quoi que ce soit. Cela suppose un savoir-faire éprouvé. «Je suis un peintre risque-tout, ajoute-t-il, d'une voix calme et posée. À chaque tableau, je me dis que je n'y arriverai jamais, et puis le métier vient vous sauver. En vingt minutes, on doit déjà avoir les grandes lignes». Un premier jet, qu'il assimile à un premier round de «combat de boxe». Une sorte de compte à rebours est commencé. Seule sa formation d'architecte, son sens du trait, et de la perspective, permettent d'expliquer une telle rapidité. Résultat, au bout de huit jours en juin à Chausey, il repart avec neuf toiles sous le bras, aussitôt exposées à Dinard. «Pour travailler, il faut être acculé, confie-t-il, et entre deux expos, on est toujours inquiet, avec l'impression d'être poursuivi par un chien qui vous oblige à avancer». Avec les années, il a trouvé son style, et s'y tient, mais cela n'implique pas la facilité.

Passionné par l'estran et ses rochers

Peintre de paysage, genre délaissé par l'art moderne, il se réclame de quelques grands maîtres. Pissaro, pour la nature et la fraîcheur de ses verts; Monet, pour ses lumières dorées; et surtout Soutine, pour sa matière sensuelle et sa palette de couleurs. Ruais se situe, aussi, dans le sillage de Marin-Marie, aquarelliste de génie, même s'il a délaissé cette technique qu'il trouve trop imprévisible. Peintre de la Marine depuis 1991, assimilé au grade de capitaine de corvette, Stéphane Ruais est un peintre côtier. «Le grand large m'ennuie», reconnaît-il, passionné par l'estran et ses rochers, et nostalgique de ses jeunes années lorsqu'il débarquait sur une île, prêt à cabaner pour la nuit. La grand-voile affalée, à cheval sur la bôme en guise de toile de tente, et les étoiles comme compagnons.

Un atelier à Keremma

Son terrain de jeu va de l'Aber-Wrac'h à la pointe de Primel, avec, au centre, les dunes de Keremma, ce village fondé au XIXe, à Tréflez (29) par le phalanstérien Louis Rousseau, dont il est un des nombreux descendants. Il y a construit côté mer un atelier, tout en cyprès de Lambert, d'où émane un parfum camphré semblable à un coffre de marine. Vieux casiers en osier, cordages de chanvre créosotés, bouts de plat-bord, et voiles de coton cachou, c'est son magasin d'approvisionnement en rêves. Deux profonds fauteuils de cuir complètent cet attirail de flibustier pacifique où trône un chevalet. Pas une tache de peinture sur le plancher, car Ruais est avant tout un peintre d'extérieur, qui ne s'exprime bien que sur le motif. «Il faut que je sente la mer, ou que j'aille renifler la tempête pour avoir envie de la dessiner», dit-il, simplement soucieux de partager une oeuvre qui ne prétend pas accompagner chaque coup de pinceau d'une signification philosophique. Sans prétention, Druais est-il pour autant un peintre sans ambition? Évidemment, non. La sienne cherche, comme tous les artistes, à arrêter le temps qui passe, à laisser une trace en fixant sur la toile un éclairage, qu'il signe de son nom suivi d'une ancre de marine. Montrant ainsi tout son talent, et que ce jour là, il a eu la main heureuse.

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