Patrick Dougherty. Tresseur de branches

Ils sont cinq, comme les doigts de la main, et illustrent, chacun à leur façon, une commune passion pour les arbres ou les jardins. Main verte, tel est le thème de notre série d'été qui commence avec un «land artist» américain dont la sculpture éphémère est exposée au Domaine de Trévarez, à Saint-Goazec (29).

Photo T. D.
Photo T. D.
Les écuries du «Château rose» ont accouché d'un drôle d'animal. Une bête qui n'a rien d'humain et relève plus du monde végétal. Une tortue, tissée de branches, dont la trame en châtaignier et les rameaux de saule forment une sculpture géante à l'intérieur de laquelle on peut circuler. Plus encore que d'une oeuvre habitée, on peut parler d'installation habitable. Sauf que l'on voit les nuages à travers les branches, à moins que ce ne soient les racines du ciel. Bousculer les repères, créer des émotions ou susciter des interrogations, tel est le but, en effet, de Patrick Dougherty.

Un lieu, un arbre
Ce sculpteur américain n'emploie que les baliveaux et les troncs qui lui tombent sous la main. Nomade par nature, il n'utilise que des essences locales et doit donc changer d'arbres en fonction des lieux où il se trouve. «Sur le campus d'un collège, dans le Vermont, en 2007, j'ai travaillé avec du sycomore argenté pour So Inclined. Et au mois de mai, en Virginie, c'était de l'érable rouge mais je ne prends jamais de peuplier car il est trop cassant, explique-t-il d'une voix douce et posée, presque professorale. Ici, nous avons planté des pieux en châtaignier qui ont servi de structure, pieux sur lesquels nous avons ensuite tressé du saule, un matériau souple et idéal».
Plus de 90 m³ de saule ont été coupés deux mois avant son arrivée, début juin, juste avant la sortie des feuilles, et ensuite arrosés afin qu'ils gardent toute leur souplesse. «Je n'avais jamais entendu parler de Dougherty auparavant, mais nous avons travaillé trois semaines avec lui, en suivant ses instructions grâce à une interprète», raconte Jacques Leduigou, le chef jardinier de Trévarez qui a prêté main-forte à l'artiste avec les quatre autres jardiniers du domaine. Une vingtaine de volontaires se sont également relayés, jouant les oiseaux ou les castors bénévoles pour construire ce nid géant, qui a aussi des allures de cabane.

«Participer et prendre plaisir»
«Mon rôle consiste à exciter l'imagination des gens, confie Patrick Dougherty. Utiliser des matériaux que l'on ne connaît pas et travailler avec des personnes inconnues, cela fait partie du jeu. Je fais ce qu'il y a de plus difficile et je montre aux autres ce qu'il faut faire pour réaliser le reste. On construit lentement, cela permet à tous de participer et d'y prendre plaisir». Même le maire de Saint-Goazec, la commune où se trouve le jardin créé par James de Kerjégu au XIXe siècle, est venu apporter sa branche à l'édifice.
«Un agriculteur qui voulait donner un coup de main est reparti quand il a vu qu'il s'agissait de tresser du bois de saule. C'est un truc de femmes, m'a-t-il dit, sourit Dougherty. Certains ont tendance à trop prendre à coeur ce qu'ils font, alors je les déplace d'un endroit à un autre, pour qu'ils ne se sentent pas propriétaires d'une partie de la sculpture. Mais je ne défais jamais ce qui a été fait, au contraire, je rajoute des branches pour rectifier si cela s'impose», précise ce pédagogue expert en psychologie. Avant d'ajouter avec humour : «L'avantage des volontaires, c'est que le jour de l'inauguration, on est sûr qu'il y aura un peu de monde».
Pierre Maille, président du conseil général du Finistère, s'est déplacé, sensible au «caractère collectif de cette oeuvre originale, à la fois spectaculaire et provisoire». Le côté temporaire ne gêne d'ailleurs pas du tout son auteur, «un artiste ne doit pas se soucier de sa place dans l'histoire de l'art, il ne faut pas mettre la carriole avant les chevaux», déclare-t-il, en citant un dicton de sa Caroline du Nord natale. Ultime paradoxe, cette installation, éphémère et biodégradable, représente une tortue. Un animal qui existe depuis 250 millions d'années, symbole d'éternité.

Jusqu'au 16 octobre, au Domaine de Trévarez, à Saint-Goazec (29).

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