Logonna-Daoulas (29). Patron pêcheur de père en fille

La fille au treuil et à la barre. La mère autour de la drague et au tri, à l'arrière! Elles ont commencé la coquille Saint-Jacques en 2005. Mais ce matin, le matelot raccroche son ciré. Et le patron s'apprête à couper le cordon.

Derniers moments de travail et de complicité entre le matelot (la mère) et le patron (la fille) à bord du coquillier qui fait route vers son port d'attache, à Logonna-Daoulas (Pors Beach). Photo S.J.
Derniers moments de travail et de complicité entre le matelot (la mère) et le patron (la fille) à bord du coquillier qui fait route vers son port d'attache, à Logonna-Daoulas (Pors Beach). Photo S.J.
Erell Pellé est tombée dedans toute petite. Lorsque son père et sa mère partaient à la coquille, ils l'installaient dans une caisse à l'avant du bateau. Pas de nounou à l'époque! «Les affaires maritimes auraient fait des bonds mais on préférait encore l'avoir avec nous», se souvient «Gene» Appriou (surtout pas Geneviève, au risque de passer par-dessus bord!). «Trente ans plus tard, il y a prescription n'est-ce pas?». Gene embarque ce matin pour la dernière fois avec sa fille. «J'ai atteint l'âge de la retraite cette année alors, maintenant, je dois rejoindre mon ?fiancé ?qui, sinon, va s'ennuyer ferme à la maison. Le fiancé, c'est Joël Appriou (Jojo), le mari et papa. 60 ans cette année, retiré des coquilles depuis 2005, mais toujours propriétaire du Strinkerez Dour, une coque rouge en bois de 8m de long. «Je suis venue en début de saison pour former le nouveau matelot, Thibault, le cousin d'Erell. Mais maintenant, ils se débrouillent très bien sans moi. Et il est temps de les laisser travailler seuls. Ça va me manquer, c'est sûr, mais je reviendrai encore faire un dépannage ou deux». «Oh oui, c'est sûr que ça va lui manquer», rebondit Erell. «Je sais que ma mère sera la première à m'appeler pour savoir combien de sacs il y a sur le pont». En 2005, la fille unique passe son capacitaire et reprend le bateau de son père en gardant le matelot, sa mère. Un sacré atout pour la toute jeune patron (ne) pêcheur. «Ma mère a fait toute sa carrière auprès de mon père et connaît le boulot et la rade comme sa poche. J'ai beaucoup appris auprès d'elle». Jusqu'à ce matin où elle l'a encore aidée à passer le long des falaises du Fret. De son côté, le père dit ne plus trop s'intéresser à la pêche. «Mais on sait qu'il garde toujours un oeil et surtout une oreille sur la marée du jour». Enceinte de 8 mois et toujours à bord! Erell Pellé perpétue la tradition familiale sans mollir. «J'en avais marre de devoir sans cesse justifier mon expérience auprès des autres patrons pêcheurs. Un milieu plutôt macho et, finalement, à l'image de la société!», claque la fille de Porspol, à Lampaul-Plouarzel (29). Certains ont imaginé qu'elle ne reprendrait pas après la naissance de son premier enfant, en 2006. «À huit mois de grossesse, j'étais toujours à bord!». Le temps d'accoucher et de s'occuper de son petit, son père a repris le bateau, sans trop se faire prier d'ailleurs. Rebelote pour le deuxième enfant, né en 2009. Jojo retrouve son matelot préféré, l'inoxydable Geneet ses cheveux en bataille sur le pont. Mais deux femmes à bord, ça a toujours étonné, voire un peu énervé dans le milieu. «Un jour, un gendarme maritime qui nous contrôlait nous a demandé si ce n'était pas trop dur, si on n'avait pas trop froid. Ma mère lui a renvoyé la question du tac au tac. Ils n'ont jamais répondu et ne se sont plus aventurés sur ce terrain». «En bonne mère de famille» Sur l'eau, le Strinkerez Dour fait souvent son bonhomme de chemin à l'écart des autres bateaux. «Je n'aime pas trop entrer dans la mêlée (60 licences accordées cette année en rade de Brest). Je préfère travailler tranquillement, en privilégiant la sécurité». «Bien sûr que c'est un travail dangereux, bien sûr que l'on peut se blesser quand ça danse sur le pont avec la drague de 300kg. Et puis, il y a ce treuil qui me fout toujours autant les jetons». Du coup, quand la rade est toute blanche, Erell laisse les autres s'escrimer sur l'échine du diable. En «bonne mère de famille», selon l'expression revue et corrigée sur le Strinkerez Dour. «Combien de fois, gamine, j'ai supplié mes parents de ne pas y allerquand ça soufflait trop fort?». Son plus grand (quatre ans) commence à le lui dire mais, lui aussi, ne mettra pas bien longtemps à embarquer aux côtés de sa mère. Foutupatrimoine gén étique.  

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