Les Suisses ont décidé hier par référendum d'interdire la construction de nouveaux minarets sur le territoire national. Ce résultat qualifié "d'immense surprise" par les observateurs locaux jette un froid partout en Europe. Tour d'horizon des différentes réactions.
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En Europe
La Belgique critique un "vote de la peur"
"Le minaret fait peur (...) Il y a gros à parier que si la votation existait en Belgique, une majorité de citoyens se prononceraient contre, eux aussi. Fascistes notoires et néo-populistes se faisant fort d'attiser les passions les plus basses", affirme le journal francophone Le Soir. "La consultation populaire peut être utile et, parfois, oxygénante pour la démocratie. En particulier lorsqu'elle traite des questions de société. Dans le cas (des minarets) c'est tout l'inverse. Elle fait d'un sujet marginal (le nombre de lieux de culte avec minaret est ultra-minoritaire) un symbole de tous les excès et de toutes les peurs comme dans le cas du débat autour du foulard islamique Prendre pour cible des tours verticales en s'attaquant, en réalité, aux fidèles qui sont en bas, c'est hypocrite et fallacieux. Et, par les temps qui courent, un jeu dangereux", conclut l'éditorialiste du journal.
La Suède y voit "un signe négatif"
"C'est l'expression d'un préjugé et peut-être même d'une peur mais il est clair qu'il s'agit à tous égards d'un signe négatif, il n'y a aucun doute à ce sujet," a déclaré à la radio suédoise, le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt. "Normalement, la Suède et les autres pays ont des urbanistes qui prennent des décisions sur ce genre de sujet. Décider de ce genre de question par référendum me semble vraiement étrange".
Un ministre italien plutôt content
Plusieurs hommes politiques italiens, dont le ministre de la Simplifaction administrative, Roberto Calderoli, ont réagi favorablement à cette nouvelle. "La Suisse nous envoie un signal clair : oui aux clochers, non aux minarets", a-t-il déclaré. "Ce qui semble ressortir du choix du peuple suisse est d'une part le respect de la liberté de religion, de l'autre la nécessité de mettre un frein aux aspects politiques et de propagande liés à l'islam. Cela devrait nous faire réfléchir", a-t-il conclu.
"Un coup dur porté à la liberté de religion" estime le Vatican
Nous sommes "sur la même ligne que les évêques suisses" qui ont déclaré dimanche que le vote suisse interdisant la construction de minarets était "un coup dur porté à la liberté de religion", a déclaré le président du conseil pontifical pour les migrants, Mgr Antonio Maria Sveglio. "Je ne vois pas comment on peut entraver la liberté de religion d'une minorité ou empêcher un groupe de personnes d'avoir sa propre église. On note un sentiment d'aversion et de peur un peu partout, mais un chrétien doit savoir dépasser cela, même s'il n'y a pas de réciprocité"
En France
Bernard Kouchner (ministre des affaires étrangères) : "Un peu scandalisé"
Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner s'est déclaré "un peu scandalisé" par le vote suisse interdisant les minarets, qui est selon lui "une expression d'intolérance". "Je suis un peu scandalisé par cette décision" qui "est négative pour ce qui concerne les inquiétudes même des Suisses parce que si on ne peut pas construire de minarets, cela veut dire qu'on opprime une religion", a déclaré le ministre sur RTL. "C'est une expression d'intolérance et je déteste l'intolérance".
Mosquée de Lyon : "J'appelle à une réaction de tous les musulmans"
"Il s'agit d'un vote d'intolérance, tournant le dos aux bases juridiques les plus constantes qui, à travers le monde, garantissent la liberté de religion", a fait savoir dans un communiqué Kamel Kebtane, recteur de la grande mosquée de Lyon. "J'appelle à une réaction de tous les musulmans, des fidèles de toutes les religions, et de tous les démocrates, au niveau européen, pour s'opposer à ce que ce vote, contraire aux fondements du droit, devienne une loi". Ecoutez son intervention sur France Info.
Eric Besson (ministre de l'immigration) : "Eviter les faux débats"
"Pour ce qui concerne la France, j'aimerai beaucoup qu'on évite ce type de débat "qui relève "de l'urbanisme", a affrimé ce matin Eric Besson. "Il ne faudrait pas donner le sentiment de stigmatiser une religion, en l'occurrence l'islam. Nous devons favoriser en France l'émergence d'un islam de France qui s'intègre dans les valeurs de la République et le meilleur moyen de parvenir à cela c'est d'éviter les faux débats. Nous avons suffisamment de sujets importants, comme la burqa, qui est un sujet de principe car il touche à la dignité de la femme. Les minarets ne sont pas une question de principe à mes yeux et je ne souhaite pas qu'ils deviennent un sujet politique".
Marine Le Pen (vice-présidente du FN) : "Les élites doivent cesser de nier les aspirations des peuples"
"A une très franche majorité, les Suisses viennent de faire mentir les sondages, en refusant massivement l'édification de minarets en Suisse", s'est réjouie Marine Le Pen, quelques heures après le résultat du référendum. "En Suisse, comme en France, les élites étaient pourtant massivement pour". "Ces élites doivent cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens qui, sans s'opposer à la liberté religieuse, rejettent les signes ostentatoires que veulent imposer des groupes politico-religieux musulmans, souvent à la limite de la provocation".
Jean-François Copé (chef de file des députés UMP) : "Ce vote n'aide pas"
"J'ai beaucoup regretté ce vote. C'est un message très dur parce que c'est un message de stigmatisation d'une pratique religieuse", a déclaré Jean-François Copé sur France Info. "Si l'on veut mener un combat efficace pour distinguer ce qui relève de la pratique religieuse normale dans une démocratie de ce qui relève des tentations extrémistes ou intégristes, il faut reconnaître que ce vote n'aide pas. Le libre exercice du culte de chacun dans le respect de celui des autres c'est la première définition de la laïcité". Jean-François Copé réaffirme par contre qu'il "milite activement pour dire qu'il faut une loi d'interdiction sans concession" sur le port du voile intégral.
Dominique Paillé ( porte-parole adjoint UMP) : "Pas sûr" de la nécessité de minarets en France
"Les salles de prières sont tout à fait indispensables, mais pour autant faut-il des minarets au-dessus de ces salles de prière ? Moi je n'en suis pas sûr", a déclaré Dominique Paillé, porte-parole adjoint de l'UMP sur France Inter. "Il y a évidemment des clochers sur les églises, mais c'est un héritage historique. Je n'ai pas d'a priori, mais il convient d'en discuter pour savoir comment faire vivre les unes et les autres dans un Etat qui est profondément laïc et qui doit le rester".
Noël Mamère (député-maire Verts) : "Ce vote risque d'inspirer" certains partis
C'est un "très mauvais signe pour la Suisse" et c'est "inquiétant pour l'ensemble de l'Europe", a déclaré Noël Mamère. "Quand on sait ce qui s'est passé autour de la loi sur le voile, ce qui se passe avec le burqa, on est en droit de se dire que ce vote suisse risque d'inspirer des partis peu scrupuleux à la recherche désespérée des voix de l'extrême droite pour instrumentaliser cette question de la religion et stigmatiser des musulmans. Nicolas Sarkozy et ses copains ne vont pas laisser à Jean-Marie Le Pen le privilège de cette affaire et vont trouver un moyen, sans doute plus insidieux et plus hypocrite (que le président du FN), pour jouer là-dessus".
Hervé Morin (ministre de la Défense) : "Un facteur de populisme"
"Le référendum c'est bien, mais quand le référendum devient un facteur de populisme, cela devient plus gênant. Il y a d'abord un problème de forme parce que ce sont des questions compliquées qui n'appellent pas une réponse simple", a expliqué Hervé Morin sur France Inter. En France, "les musulmans ont le droit à des lieux de culte décents, cela doit se faire dans le respect de la culture et sans que cela ne soit vécu comme une marque d'hostilité à l'égard des autres.
Benoît Hamon (porte-parole du PS) : "Beaucoup de consternation"
Ce vote est "assez significatif de cette tentation à se recroqueviller, à se replier sur soi et à faire de l'étranger, en l'occurrence le musulman, le bouc-émissaire de tous les maux des sociétés occidentales", a affirmé Benoît Hamon sur RFI. "En tout cas, je trouve cette décision du peuple suisse inquiétante", elle sème "beaucoup de consternation".
Les Verts : "Faire peur et nourrir un sentiment de rejet".
Les Verts ont déploré aujourd'hui que le gouvernement français se serve de l'interdiction des minarets votée hier en Suisse pour "faire peur et nourrir un sentiment de rejet" à l'encontre des musulmans. Dans un communiqué, la porte-parole des Verts Djamila Sonzogni trouve "inquiétant de constater que les lobbys islamophobes, xénophobes touchent de plus en plus de pays européens". Selon elle, "tous les prétextes sont bons (débat sur la burqa, mariage gris, minarets, amalgame entre la sécurité et l'immigration, identité nationale) pour faire peur et nourrir un sentiment de rejet contre certains immigrés ou européens issus de l'immigration venant de pays musulmans".
Le NPA : "Récupérer les voix du FN".
Dans un autre communiqué, le NPA juge "révoltant de voir le secrétaire général de l'UMP sauter sur l'occasion pour en rajouter dans la discrimination à l'égard des pratiquants de la religion musulmane en déclarant qu'il n'y a pas besoin de minarets pour pratiquer l'Islam". "Que dirait-il si une campagne se mettait en place pour dire que les catholiques n'ont pas besoin d'église pour pratiquer leur religion", demande le parti d'Olivier Besancenot. Pour le NPA, Xavier Bertrand, "guidé par une obsession électorale, celle des régionales, veut récupérer les voix des électeurs du Front national". "Le recours à l'islamophobie est utilisé pour détourner l'attention des conséquences de la crise économique qui a mis au chômage 2.000 salariés par jour au mois d'octobre", selon le NPA.