Toulouse. Une mère en colère témoigne : "J'ai alerté la police à de nombreuses reprises" [Exclusif]

La nouvelle de l'identité de l'auteur présumé des tueries de Toulouse et Montauban lui a "coupé les jambes". Mohamed Merah est l'homme qui a agressé sa fille et tenté "d'embrigader" son fils adolescent, il y a deux ans. Cette femme, qui a souhaité conserver l'anonymat, veut "absolument témoigner". Selon elle, "la police savait". C'est une femme "en colère" qui s'exprime.

Photo AFP
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Les premières images de Mohamed Merah

"Je suis sidérée. Il a fallu que tous ces gens soient tués pour que Mohamed Merah soit enfin arrêté. C'est un énorme gâchis...". Selon cette mère de famille qui réside dans l'ancien quartier où vivait l'auteur présumé des tueries de Montauban et Toulouse, "la police savait tout de la dangerosité de cet individu et de sa radicalité". "J'ai porté plainte contre Mohamed Merah deux fois et j'ai relancé à de très nombreuses reprises. En vain."

Une petite partie des faits qu'elle évoque ont été révélés dans la journée par de nombreux médias, sur la base du témoignage d'une femme, Malika. Celle-ci rapportait un incident datant de 2010 où Mohamed Merah, menaçant, était apparu dans le quartier des Izards, en treillis sombre, encagoulé, un sabre à la main et criant "Allah Aqbar". "C'est nous qu'il menaçait ce jour là, révèle notre témoin anonyme, que nous appellerons Aïcha. Et c'est aussi ce jour là qu'il a agressé mes enfants."

"Il a forcé mon fils à regarder d'insoutenables videos"
La veille, le fils d'Aïcha, alors âgé de 15 ans, est apostrophé par Mohamed Merah. "Il est monté dans sa voiture. Il lui a fait écouter un CD de chants, en lui faisant croire que c'était le Coran." Les chants sont en fait des appels à partir au combat. "Il a conduit mon fils à son domicile, là où il est encore retranché. Dans son appartement, il y avait un immense Coran dans son salon et plusieurs grands sabres accrochés au mur. Il en a décroché un, puis lui a imposé de regarder des vidéos d'Al Qaïda." Les scènes sont "insoutenables". Des femmes exécutées d'une balle dans la tête, et des hommes égorgés. "Mon fils m'a appelé. On a finalement pu le récupérer. Il est resté enfermé là bas de 17h à minuit...".

"Un moudjahidin"
Aïcha porte plainte, ce qui provoque la colère de Mohamed Merah. "Il est venu devant chez nous. Il m'a menacée et frappée. Il disait que j'étais athée et que je devrais payer comme tous les Français. Il n'arrêtait pas de répéter qu'il était un moudjahidin et qu'il mourrait en martyr, qu'il effacerait de la Terre tous ceux qui tuaient des Musulmans... Il disait aussi que lui et ses amis viendraient prendre mon fils et qu'il ne me resterait plus que mes yeux pour pleurer". Le surlendemain, Mohamed Merah s'en serait pris à son fils : "Pourquoi t'as tout raconté à ta mère ?". "Il l'a frappé, reprend celle-ci, et ma fille est intervenue. Il l'a rouée de coups. Il y avait beaucoup de monde, mais personne n'a bougé".

De ces scènes de violence (elle évoque aussi un flash-ball avec lequel il aurait menacé son neveu), Aïcha a "tout gardé" : "la robe de sa fille tâchée de sang et déchirée, le dépôt de plainte, les courriers de relance, des photos et les certificats médicaux..."

Une plainte "très circonstanciée" déposée en juin 2010
L'avocat d'Aïcha, Me Mouton, confirme qu'une "plainte très circonstanciée" a bien été déposée. "Le 25 juin 2010", complète Aïcha. "J'ai relancé à de nombreuses reprises. On ne m'a jamais dit quelle suite avait été donnée", poursuit la mère de famille. L'avocat, qui "répond de la sincérité de sa cliente", confirme encore : "La maman a été entendue, mais j'ignore si une enquête a été déclenchée et si, oui, quelle suite lui a été réservée."

Depuis qu'Aïcha a appris que l'auteur présumé des tueries de Montauban et Toulouse était Mohamed Merah, elle est "terrorisée". "Il nous a menacés de mort. Il m'a fait le signe de l'égorgement. J'essaie de protéger ma famille, mais j'ai peur." Elle reparle de Mohamed Merah. "Si vous le voyiez, vous lui offririez le café. Il semble doux comme un agneau et on lui donnerait le bon dieu sans confession... Il a un double visage. Il pouvait subitement changer de comportement. Il pouvait boire une bière et partir, deux minutes plus tard, en courant pour aller faire sa prière."

"C'est son frère le cerveau"
Sans le savoir, Aïcha confirme les déclarations que nous avions recueillies en fin de matinée auprès de "proches" du jeune homme. L'un d'eux, se faisant appeler "Ben's", avait évoqué "le changement de Mohamed, après la venue d'un groupe d'extrémistes dans le quartier". "Il avait revêtu l'habit traditionnel. Il interpellait les jeunes sur la religion. Puis il y a eu des rumeurs de séjours en Afghanistan. Moi, quand je l'ai revu, il y a quelques mois, il était sur une moto, habillé à l'occidentale. Il faisait un rodéo. Il avait une crête décolorée sur la tête et un gros tatouage, style maori, sur le crâne". C'est cette crête blonde qu'évoque spontanément Aïcha. "C'est pour cela, et pour ses opinions extrémistes qu'il s'était fait refouler des mosquées", explique Aïcha.

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La mère de famille rapporte également "les rodéos en scooter et en voiture". "Il s'en vantait. Il était aussi très pressant avec les jeunes filles du quartier." Mais pour Aïcha, c'est le frère de Mohamed, Abdelkader, qui est "le cerveau". "C'est lui qui lui a bourré le crâne. C'est lui qui partait souvent à l'étranger, en Egypte." Ce soir Aïcha se dit "à bout de forces". "Pourquoi, malgré tous mes signalements, Mohamed Merah n'a-t-il pas été arrêté ? Nous l'avons encore vu la semaine dernière. Il nous narguait. J'ai tout raconté à de nombreuses reprises à la police et à la préfecture. Et aujourd'hui, on en est là. C'est incompréhensible et révoltant."

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