Cancer. Son combat « à l'arme blanche »

Le professeur David Khayat est chef de service de cancérologie à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, à Paris. Dans son livre « Des larmes et de sang » (édition Odile Jacob), il livre ses réflexions après 35 ans d'exercice.

IP3 PRESS/MAXPPP
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Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Après 35 ans de travail auprès de malades du cancer, il fallait que j'expose cette expérience avec ses moments parfois exaltants et parfois d'autres très durs, parce qu'il s'agit de vie et de mort.

Le temps d'une médecine déshumanisée est-il révolu ?
J'ai vécu la fin de cette époque où le malade était un objet et les médecins tout puissants étaient appelés des mandarins. On considérait que la douleur était un mal nécessaire. L'époque a complètement changé, et c'est heureux. On a commencé à s'apercevoir qu'il y avait un malade derrière la maladie.

Vous dites, à propos du tabac que l'on ne peut pas culpabiliser les malades au prétexte qu'ils ont fumé...
Quand on est devant un malade, qui va se taper de la chimiothérapie, des rayons, et qui ne sait pas s'il sera vivant dans un an ou deux, est-il nécessaire de lui dire : « C'est votre faute, tant pis pour vous ! » En terme de culpabilité, il faut se retourner vers l'État qui vend du tabac et perçoit, grâce à cela, des taxes très importantes.

Vous écrivez que la médecine est un « combat à flux tendu ». Qu'entendez-vous par là ?
On aimerait imaginer qu'on a le temps de récupérer le chagrin consécutif à la perte d'un malade. Mais quand on traite 10, 15, 20 malades, 40 par semaine, le temps de réparation du médecin devient insuffisant. On a le sentiment de livrer un combat à l'arme blanche.

Une des grandes questions soulevée par votre livre est de savoir comment on peut supporter la fréquentation quotidienne de la mort...
J'utilise le mot de « concubinage » avec la mort. Quand on fréquente la mort avec assiduité, on essaie de ne pas y penser. Et pourtant, vous y pensez forcément tout le temps.

Vous affirmez que, parmi les armes qui permettent de lutter contre le cancer, il y a aussi la parole...
Les mots peuvent tuer. Ils peuvent aussi aider le malade à mieux se battre. La parole est une arme d'une extrême violence qu'il faut apprivoiser pour venir en aide aux malades. La relation n'est pas entre médecin et patient ; il s'agit de deux êtres humains côte à côte. Les deux souffrent et s'expriment dans un dialogue singulier.

Y a-t-il de vrais progrès en matière de cancérologie ?
Aujourd'hui, on guérit 60 % des cancers, ce n'est donc plus une maladie incurable. Et 40 % des autres malades bénéficient d'une meilleure qualité de vie. Depuis le début de ma carrière, en 1980, les choses ont considérablement changé. On est beaucoup moins agressif sur le corps du malade en terme de chirurgie et la chimiothérapie est beaucoup mieux supportée. Le nombre de cancers double tous les vingt ans mais la mortalité par cancer commence à baisser. Cela prouve que la cancérologie est de plus en plus efficace et cela nous donne réellement le droit d'espérer.

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