Courant d'ère. Toubib or not toubib

Pour la première fois depuis bien longtemps, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, vient de violer un tabou: il augmente le numerus clausus des futurs médecins, c'est-à-dire autorise plus d'étudiants à franchir l'obstacle couperet de la première année. C'est une petite révolution, mais une révolution quand même.

Courant d'ère. Toubib or not toubib

J'imagine qu'il a fallu du courage au ministre. Car les associations d'internes en médecine étaient contre, les doyens d'université, dans leur majorité, étaient contre, et les stricts comptables étaient contre, gageant que plus de médecins, c'est plus d'actes, donc plus de dépenses. À quoi Xavier Bertrand a répondu qu'on ne peut laisser la désertification médicale se poursuivre et s'intensifier, puisque la crise démographique est ouverte jusqu'au mitan des années 2020.

Officiellement, pour justifier leur opposition, les autorités médicales et les corporations d'étudiants mettent en avant la qualité requise - laquelle est rare. C'est noble, c'est beau comme l'antique. Officieusement, les lobbies de l'exercice libéral, que dis-je? ultralibéral, organisent cette rareté pour justifier ensuite leurs incroyables dépassements d'honoraires. À Paris, les spécialistes ne réclament guère moins de 60euros, et je parle ici des petits, vraiment tout petits praticiens.

C'est là que le bât blesse. Augmenter le numerus clausus quand une partie de la France manque de gynécologues, d'ophtalmologistes et ainsi de suite, paraît assez raisonnable. Encore faudrait-il que les internes en fin d'études - qui sont formés aux frais du contribuable - acceptent d'exercer, au moins quelques années, dans les zones déficitaires. Mais ils l'ont toujours refusé, poussant des piaillements d'orfraie. Quant aux gouvernements, ils n'ont jamais eu le cran d'imposer, et préfèrent inciter, ce qui n'incite à rien mais ménage un électorat fidèlement conservateur.

Sur les dépassements d'honoraires (je connais un cancérologue dont la haute expertise se chiffre, en consultation privée, à 300euros du quart d'heure), les mêmes gouvernements répugnent à encadrer une fois pour toutes ces pratiques ahurissantes. Tandis que des médecins étrangers - plutôt bien formés - font tourner à bas coût nos services hospitaliers, leurs collègues spécialistes de ville entretiennent un petit commerce qui coûte cher aux patients, à la Sécurité sociale et aux mutuelles. Un monde dual, indéfendable.

Augmenter le numerus clausus, pourquoi pas? Mais s'arrêter là, c'est s'arrêter au milieu du gué.

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