Courant d'ère. Cousins de Chiloé

Ici, à Chiloé, au sud du Chili, sur ce qu'on appelle «la grande île», pas si facile d'être dépaysé. Une côte au vent, harcelée par l'océan, qui se défend d'un Pacifique fort mal baptisé. Une côte sous le vent qui égrène ses archipels accidentés et verts, entre lesquels la navigation est délicieuse mais vigilante car marées et courants sont complexes.

Courant d'ère. Cousins de Chiloé
Des habitants amènes et endurants, tantôt paysans, tantôt marins, le plus souvent les deux. La pluie quotidienne, compagne naturelle dont nul ne songerait à s'offusquer. Et puis le vent, vigoureux et brusque, féroce, dont on ne se plaint qu'entre initiés; face au voyageur, on le revendique. Chez nous, Monsieur, c'est vivant, cela frémit, cela respire. Si vous voulez vous prélasser au soleil, retournez là-haut, vers la côte centrale où vous trouverez du sable douillet au pied d'immeubles de béton. J'ai parcouru 12.000 kilomètres, et me voici en Bretagne, version Ouessant plus golfe du Morbihan. Bien sûr, cette analogie est entachée de quelques variations spectaculaires. Les gens de l'île sont, en général, métis et pauvres. Le bois est omniprésent, maisons sur pilotis, églises, barques, chalutiers. Les hauts arbres sont des eucalyptus, les fougères, elles, sont grandes comme des arbres, et des colibris furtifs plongent dans la corolle des fleurs. Les récifs abritent des pingouins, des pélicans, des millions de sternes et d'huîtriers, sans oublier les énormes rapaces aux ailes de condor qui perchent sur le gréement des navires. Les bars vous servent une musique inévitable, automatique et assourdissante. Et pour fêter la nouvelle année, maintes baleines bleues croisent au large: il ne faut guère plus de trois quarts d'heure pour se porter vers elle. Les fruits de mer sont la chose la plus commune, la moins chère, et se mangent crus, en soupe, gratinés, frits. Mais tout est géant, sauf les petites huîtres plates. Moules démesurées, amandes grosses comme la main, araignées phénoménales, oursins à faire peur, ormeaux durs à battre, créatures rouges ou blanchâtres arrachées au rocher. Le bain d'iode est garanti et souverain, au coude à coude dans la cohue des marchés ou des ports. Et parfois, un musicien sans le sou mais non sans talent, armé d'un accordéon, vient accompagner tout cela d'un supplément d'âme où il est fatalement question d'amour, de mer et de brume. C'est beau et chaud, ça prend au coeur. Les Chilotes aiment leur île avec une passion totale. On se comprend, c'est facile.

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